Page:Rostand - Chantecler.djvu/126

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LA FAISANE.

Plus belle ?

CHANTECLER.

Plus belle ? Assurément ! et de tout ce qu’ajoute
De force à la chanson de savoir qu’on l’écoute,
D’allégresse à l’exploit d’être fait sous des yeux !

Et se plantant sur le tertre qui domine la vallée, au fond :

Madame !…

LA FAISANE, le regardant se découper sur le ciel.

Madame !… Qu’il est beau !

CHANTECLER.

Madame !… Qu’il est beau ! Regardez bien les cieux !
Ils ont déjà pâli ? C’est que j’ai, tout à l’heure,
Mis, par mon premier chant, le soleil en demeure
D’avoir à se tenir derrière l’horizon  !

LA FAISANE.

Il est tellement beau qu’il semble avoir raison !

CHANTECLER, parlant vers l’horizon.

Ah ! Soleil ! je te sens là derrière, qui bouges !
Je ris déjà d’orgueil dans mes barbillons rouges !

Et, dressé sur ses ergots, tout à coup, d’une voix éclatante :

Cocorico !

LA FAISANE.

Cocorico ! Quel souffle a gonflé son camail ?

CHANTECLER, vers l’Orient.

Obéis-moi ! Je suis la Terre et le Travail !
Ma crête a le dessin couché d’un feu de forge,
Et je sens le sillon qui me monte à la gorge !

Il chuchote mystérieusement.

Oui, oui, Mois de Juillet…

LA FAISANE.

Oui, oui, Mois de Juillet… À qui donc parle-t-il ?

CHANTECLER.

… Je vais te le donner plus tôt qu’au Mois d’Avril !