Page:Rostand - Chantecler.djvu/128

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CHANTECLER.

Quoi ?

LA FAISANE.

Quoi ? Le bleu n’est plus bleu !

CHANTECLER.

Quoi ? Le bleu n’est plus bleu ! Mais il est vert déjà !

LA FAISANE.

Le vert s’est orangé !

CHANTECLER.

Le vert s’est orangé ! Ce vert qui s’orangea,
C’est toi qui ce matin l’auras vu la première.

La plaine, au loin, se veloute de pourpre.
LA FAISANE.

Tout a l’air de finir par des champs de bruyère !

CHANTECLER, dont le cri commence à se fatiguer.

Cocor…

LA FAISANE.

Cocor… Oh ! dans les pins, du jaune !

CHANTECLER.

Cocor… Oh ! dans les pins, du jaune ! Il faut de l’or !

LA FAISANE.

Du gris !

CHANTECLER.

Du gris ! Il faut du blanc ! Ça n’y est pas encor !
— Cocorico ! — C’est très mauvais ! mais je m’obstine !

LA FAISANE.

Chaque trou dans chaque arbre a l’air d’une églantine !

CHANTECLER, avec un enthousiasme croissant.

Je veux, puisqu’à ma foi vient s’ajouter l’amour,
Que le jour, aujourd’hui, soit plus beau que le jour !
Tiens ! vois-tu qu’à ma voix l’Orient se pommelle ?

LA FAISANE, entraînée par la folie du Coq.

C’est possible, après tout, puisque l’amour s’en mêle !