Page:Rostand - Chantecler.djvu/251

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Allons-nous en !

LA FAISANE.

Allons-nous en ! Que vas-tu faire ?

CHANTECLER.

Allons-nous en ! Que vas-tu faire ? Mon métier !

LA FAISANE, avec fureur.

Quelle nuit reste-t-il à vaincre ?

CHANTECLER.

Quelle nuit reste-t-il à vaincre ? La paupière !

LA FAISANE, lui montrant la pourpre grandissante de l’Aurore.

Soit ! tu réveilleras les dormeurs…

CHANTECLER.

Soit ! tu réveilleras les dormeurs… Et Saint Pierre !

LA FAISANE.

Mais tu vois que le jour s’est levé sans ta voix !

CHANTECLER.

Mon destin est plus sûr que le jour que je vois !

LA FAISANE, désignant le corps du Rossignol, déjà à moitié disparu
dans la terre.

Pas plus que ce chanteur ta Foi ne peut renaître !

UNE VOIX, dans l’arbre, au-dessus de leurs têtes, fait tout à coup
éclater la note émouvante et limpide.

Tio ! Tio !

LA FAISANE, frappée de stupeur.

Tio ! Tio ! Un autre chante ?

PATOU, les oreilles frémissantes.

Tio ! Tio ! Un autre chante ? Et mieux encor peut-être !

LA FAISANE, regardant avec effroi dans le feuillage,
puis dans la petite tombe qui se creuse.

Un autre chante quand celui-ci disparaît ?

LA VOIX.

Il faut un rossignol, toujours, dans la forêt !

CHANTECLER, avec exaltation.

Et, dans l’âme, une foi si bien habituée
Qu’elle y revienne encore après qu’on l’a tuée !