Page:Rostand - Chantecler.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE PIVERT, voyant que dans son élan elle va toucher en passant
le ressort du piège oublié.

Qu’allez-vous faire ? Mon métier ! Gare au filet !

Trop tard. Le réseau s’abat.
LA FAISANE, avec un cri de désespoir.

Ah !

PATOU.

Ah ! Elle est prise !

LA FAISANE, se débattant dans les mailles.

Ah ! Elle est prise ! Il est perdu !

PATOU, affolé.

Ah ! Elle est prise ! Il est perdu ! Elle est… Il est…

Tous les lapins ont sorti la tête pour voir ce qui se passe.
LA FAISANE, criant une ardente prière.

Aube, protège-le !

LES HIBOUX, sautant de joie sur leurs branches

Aube, protège-le ! Le canon luit ! luit !…

LA FAISANE.

Aube, protège-le ! Le canon luit ! luit !… Touche
De ton aile mouillée, Aurore, la cartouche !
Fais le pied du chasseur sur l’herbe dévier !
C’est ton Coq ! Il a chassé l’ombre et l’épervier !
Il va mourir ! — Toi, Rossignol, dis quelque chose !

LE ROSSIGNOL, dans un sanglot suppliant.

Il s’est battu pour une amie à moi, la Rose !

LA FAISANE, solennellement.

Qu’il vive ! Et je vivrai dans la cour, près du soc !
Et j’admettrai, Soleil ! abdiquant pour ce Coq
Tout ce dont mon orgueil le tourmente et l’encombre,
Que tu marquas ma place on dessinant son ombre !

Le jour grandit. Murmures de tous les côtés.