Aller au contenu

Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
Cyrano.

— Eh bien ! que dites-vous de ce trait ?Qu’Henri quatre
N’eût jamais consenti, le nombre l’accablant,
À se diminuer de son panache blanc.

(Joie silencieuse. Les cartes s’abattent. Les dés tombent. La fumée s’échappe.)

De guiche.

L’adresse a réussi, cependant !

(Même attente suspendant les jeux et les pipes.)

Cyrano.

L’adresse a réussi, cependant !C’est possible.
Mais on n’abdique pas l’honneur d’être une cible.

(Cartes, dés, fumées, s’abattent, tombent, s’envolent avec une satisfaction croissante.)

Si j’eusse été présent quand l’écharpe coula
— Nos courages, monsieur, diffèrent en cela —
Je l’aurais ramassée et me la serais mise.

De guiche.

Oui, vantardise, encor, de gascon !

Cyrano.

Oui, vantardise, encor, de gascon !Vantardise ?…
Prêtez-là moi. Je m’offre à monter, dès ce soir,
À l’assaut, le premier, avec elle en sautoir.

De guiche.

Offre encor de gascon ! Vous savez que l’écharpe
Resta chez l’ennemi, sur les bords de la Scarpe,
En un lieu que depuis la mitraille cribla, —
Où nul ne peut aller la chercher !

Cyrano, tirant de sa poche l’écharpe blanche et la lui tendant.

Où nul ne peut aller la chercher !La voilà.

(Silence. Les cadets étouffent leurs rires dans les cartes et dans les cornets à dés. De Guiche se retourne, les regarde ; immédiatement ils reprennent leur gravité, leurs jeux ; l’un d’eux sifflote avec indifférence l’air montagnard joué par le fifre.)

De guiche, prenant l’écharpe.

Merci. Je vais, avec ce bout d’étoffe claire,
Pouvoir faire un signal, — que j’hésitais à faire.

(Il va au talus, y grimpe, et agite plusieurs fois l’écharpe en l’air.)

Tous.

Hein !