Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/196

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Roxane.

Est-ce que Cyrano vient vous voir ?Oui, souvent.
— Ce vieil ami, pour moi, remplace les gazettes.
Il vient ; c’est régulier ; sous cet arbre où vous êtes
On place son fauteuil, s’il fait beau ; je l’attends
En brodant ; l’heure sonne ; au dernier coup, j’entends
— Car je ne tourne plus même le front ! — sa canne
Descendre le perron ; il s’assied ; il ricane
De ma tapisserie éternelle ; il me fait
La chronique de la semaine, et…

(Le Bret paraît sur le perron.)

La chronique de la semaine, et…Tiens, Le Bret !

(Le Bret descend.)

Comment va notre ami ?

Le bret.

Comment va notre ami ?Mal.

Le duc.

Comment va notre ami ?Mal.Oh !

Roxane, au duc.

Comment va notre ami ?Mal.Oh !Il exagère !

Le bret.

Tout ce que j’ai prédit : l’abandon, la misère !…
Ses épîtres lui font des ennemis nouveaux !
Il attaque les faux nobles, les faux dévots,
Les faux braves, les plagiaires, — tout le monde.

Roxane.

Mais son épée inspire une terreur profonde.
On ne viendra jamais à bout de lui.

Le duc, hochant la tête.

On ne viendra jamais à bout de lui.Qui sait ?

Le bret.

Ce que je crains, ce n’est pas les attaques, c’est
La solitude, la famine, c’est Décembre
Entrant à pas de loup dans son obscure chambre :
Voilà les spadassins qui plutôt le tueront !
— Il serre chaque jour, d’un cran, son ceinturon.