Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/205

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Roxane.

Mélancolique, vous ?

Cyrano, se reprenant.

Mélancolique, vous ?Mais pas du tout, Roxane !

Roxane.

Allons, laissez tomber les feuilles de platane…
Et racontez un peu ce qu’il y a de neuf.
Ma gazette ?

Cyrano.

Ma gazette ?Voici !

Roxane.

Ma gazette ?Voici !Ah !

Cyrano, de plus en plus pâle, et luttant contre la douleur.

Ma gazette ?Voici !Ah !Samedi, dix-neuf :
Ayant mangé huit fois du raisiné de Cette,
Le Roi fut pris de fièvre ; à deux coups de lancette
Son mal fut condamné pour lèse-majesté,
Et cet auguste pouls n’a plus fébricité !
Au grand bal, chez la reine, on a brûlé, dimanche,
Sept cent soixante-trois flambeaux de cire blanche ;
Nos troupes ont battu, dit-on, Jean l’Autrichien ;
On a pendu quatre sorciers ; le petit chien
De madame d’Athis a dû prendre un clystère…

Roxane.

Monsieur de Bergerac, voulez-vous bien vous taire !

Cyrano.

Lundi… rien. Lygdamire a changé d’amant.

Roxane.

Lundi… rien. Lygdamire a changé d’amant.Oh !

Cyrano, dont le visage s’altère de plus en plus.

Mardi, toute la cour est à Fontainebleau.
Mercredi, la Montglat dit au comte de Fiesque :
Non ! Jeudi : Mancini, reine de France, — ou presque !
Le vingt-cinq, la Montglat à de Fiesque dit : Oui ;
Et samedi, vingt-six…

(Il ferme les yeux. Sa tête tombe. Silence.)