Page:Rostand - Discours de réception, 1903.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


DISCOURS DE RÉCEPTION
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE


Messieurs,

Je n’ai jamais été plus tenté de ne pas parler en prose. Au moment d’entreprendre ce discours, j’aurais volontiers recouru, pour me donner de la hardiesse, à une fiction d’auteur dramatique. Il m’eût été commode d’imaginer que j’écrivais une pièce dans laquelle il arrivait à un tout indigne poète ce qui vient, paraît-il, de m’arriver ; et vous conviendrez, messieurs, qu’une pièce où il y a de ces invraisemblances ne saurait être qu’en vers. « Supposons », me serais-je dit, « que j’en suis à la grande scène de la réception, au discours à faire ; il faut que mon personnage affronte l’illustre et terrible Compagnie… » C’était du théâtre héroïque ; j’y aurais peut-être réussi ; j’aurais eu pour mon héros de plus abondantes bravoures que pour moi-même ; et j’aurais fait mon discours en croyant faire le sien. Mais j’ai pris garde que je ne devais pas chercher à me faciliter l’épreuve ; je m’abstiendrai donc du langage qui m’est le moins étranger, encore qu’il soit peu raison-