Page:Rostand - Discours de réception, 1903.djvu/14

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nable de doubler les émotions, et de vouloir débuter ensemble sous la Coupole et dans la prose.

Messieurs, j’ai feuilleté ces vertes brochures sur lesquelles Minerve rejette son casque en arrière ; j’ai colligé les exordes de tous les récipiendaires passés ; et j’ai connu que si j’arrive à l’Académie trop tôt pour pouvoir abréger les humilités préliminaires, j’y arrive trop tard pour espérer trouver une façon originale d’être confus. Tout est dit… depuis plus de deux cent cinquante ans qu’il y a des académiciens, et qui sont modestes. Il sera entendu, si vous le voulez bien, que je suis ici parce qu’au moment où vous avez eu à remplacer l’auteur de la Fille de Roland, je me trouvais être, par le hasard d’un voyage, le poète le plus rapproché de Roncevaux.

Je n’ignore pas qu’il serait de bonne éloquence, chaque fois que le nom d’un des personnages mis à la scène par mon prédécesseur m’en fournirait le prétexte, de prendre un de ces sentiers digressifs qui s’amorcent si bien sur l’avenue classique de l’éloge. Mais M. de Bornier s’est, de la plus noble manière, protégé d’avance contre ces excursions. Il a traité des sujets d’une telle immensité, que ce ne seraient pas des sentiers qu’il faudrait prendre, mais des Saharas dans lesquels il faudrait se jeter. Lorsqu’il m’est apparu que l’occasion s’offrait à moi de faire solennellement connaître ma pensée sur Dante, saint Paul, Attila, Charlemagne et Mahomet, mon parti a été tout de suite pris, messieurs : je ne vous parlerai que de M. de Bornier.

Oh ! cette vie de M. de Bornier, si jolie et si belle, je voudrais bien vous la bien conter. Je voudrais la mon-