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LA FORÊT. 53

De ses coins retirés qui semblent des alcôves Avec des lits fleuris de petites fleurs mauves !

Et j’aimais les sentiers même où l’on a des peurs Quand les bras sarmenteux des arbustes grimpeurs Viennent en s’étirant vous accrocher la manche, Où l’on se croit suivi soudain quand une branche Vous fait, malicieuse, un brusque frôlement, Et vient vous chatouiller dans le cou, drôlement !

J’aimais cette forêt.

                  Bien souvent le poète 

S’éprend ainsi, se met une folie en tête Dont il souffre beaucoup, mais qui dure fort peu Lorsqu’il la satisfait pleinement, lorsqu’il peut Posséder cette idée ou cet objet qu’il aime. Et lui faire un enfant, c’est-à-dire un poème. C’est ainsi que j’aimais. Je mourais du désir De prendre la forêt dans mes vers, de saisir Son charme, son parfum, son silence, et de rendre L’émoi dont m’emplissaient un feuillage vert tendre, Une source, un recoin moussu, quelque oiselet Qui le long du sentier, par terre, sautelait,