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54 LES MUSARDISES.

Un rayon qui glissait dans le feuillage sombre, Et la fraîcheur exquise, et le murmure, et l’ombre... Je mourais du désir d’exprimer tout cela!

C’est pourquoi je me dis : « Je serai toujours là Dans la forêt, notant le moindre frisson d’aile. Je viendrai chaque jour me remplir les yeux d’elle. Tâcher de lui voler de sa beauté, m’asseoir Sur le même arbre mort, s’il le faut, chaque soir. Tant que je n’aurai pas bien traduit son mystère Et cette forte odeur de feuillage et de terre Qu’elle sent. Je veux bien me priver de sommeil : Mais je la surprendrai, la gueuse, à son réveil. Pour bien voir quelles sont à l’aurore ses teintes. De quel vert plus brillant ses feuilles sont repeintes. Et comment la rosée à leur bout vient perler, Et comment tous les plus vieux arbres font trembler. Dans l’azur matinal, des cimes toutes roses ! »

Oui. mon rêve, c’était de traduire ces choses. Mais malgré mes efforts je ne le pus jamais ! Je ne possédai pas la forêt que j’aimais ! Et mon amour devint alors de la souffrance. Je fus pris tout d’un coup d’une désespérance