Page:Rostand - Un soir à Hernani, 1902.djvu/34

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Ô rapide frisson des âmes enfantines !
Aussitôt qu’il eut vu, l’enfant des Feuillantines,
L’orgueil silencieux qui ronge ces maisons
Et leur sort sur la face en énormes blasons ;
Ces fers forgés ; ces bois sculptés ; ces hommes pâles
Qui sur de pauvres seuils se drapent dans des châles ;
Les caprices pointus de ce pavé grimpant
Sous le balcon qui bombe et la loque qui pend ;
Aussitôt qu’il eut vu ce clocher à grillage
Où les cloches ont l’air d’oiseaux de bronze en cage ;
Aussitôt que, passant la poterne, il eut vu
Les longs veloutements de ce vallon perdu ;
Ces chênes bas taillés d’une façon si drôle
Qu’ils ont la grosse tête à perruque du saule ;
Ces fermes rabattant sur leurs murs des volets
D’où le piment retombe en doubles chapelets ;
Ces gazons où toujours quelque poulain se vautre ;
Ces toits dont un côté descend plus bas que l’autre ;
Aussitôt qu’il eut vu marcher dans les sentiers
Des joueurs de pelote et des contrebandiers ;
Sous les arbres trapus tout enthyrsés de lierres
Rire des muletiers avec des sandalières ;
Des filles aux pieds nus, de leurs orteils vibrants,
Caresser à rebrousse-écume les torrents ;
Des prêtres bruns mêler des ombres de soutanes
Aux troncs décortiqués et pâles des platanes ;
Des mules trois par trois traîner ces grands berceaux
Dont la toile au soleil tremble sur deux arceaux ;
La broussaille dresser son piège qui chuchote ;
Les moulins avoir l’air d’attendre Don Quichotte ;