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CALLIMAQUE
(Callimacus)
COMÉDIE
PAR HROSWITHA.

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NOTICE SUR CALLIMAQUE


Après Abraham la moins imparfaite et la plus pathétique des comédies de Hroswitha, il faut placer Callimaque, autre petit chef-d’œuvre du théâtre monastique au dixième siècle. Le sujet de cette seconde pièce n’est ni moins singulier ni moins hardi que celui du drame précédent ; mais il est d’une nature fort différente et se rapproche davantage des conceptions modernes. En effet, dans Callimaque, les sentiments sont plus exaltés, la légende est plus merveilleuse, la couleur générale plus empreinte des idées occidentales et germaniques. Poésie, mouvement, passion, telles sont les qualités qui recommandent à notre examen cette originale et curieuse production.

On a dit mille fois que l’amour est un sentiment moderne, né en occident du mélange de la mysticité chrétienne et de l’exaltation naturelle aux races dites barbares. Toujours est-il bien remarquable que ce soit Hroswitha une religieuse allemande contemporaine d’Othon II, qui nous ait légué la première et la plus ancienne peinture de cette passion, peinture sur laquelle près de neuf cents ans ont passé et qu’on dirait d’hier, tant nous y trouvons déjà les subtilités, la mélancolie, le délire de l’âme et des sens et jusqu’à cette fatale inclination au suicide et à l’adultère, attributs presque inséparables de l’amour au dix-neuvième siècle. Aussi ne voit-on dans Callimaque aucun de ces jeunes ou vieux débauchés des comédies de Piaule et de Térence, qui se disputent une esclave et marchandent une courtisane. Ce que peint Hroswitha dans Callimaque, c’est la passion effrénée, aveugle, furieuse, d’un jeune homme encore païen pour une jeune femme chrétienne et mariée ; femme chaste et timorée au point de demander en grace à Dieu de la faire mourir pour la soustraire aux dangers d’une tentation trop vive. Et, en même temps que la pudeur éveille de si délicats scrupules dans la conscience de Drusiana, l’amour bouillonne si violemment dans les veines de Callimaque qu’après la mort de celle qu’il aime, nous le verrons, comme Roméo, violer sa tombe à peine fermée et chercher les embrassements qu’elle lui a refusés vivante, dans la couche de marbre où gissent ses restes inanimés. Certes, quand cet ouvrage n’aurait d’autre mérite que de nous montrer un échantillon des sentiments et des paroles qu’échangeaient dans leurs tête-à-tête les amants du dixième siècle, et de soulever ainsi un pan du voile qui nous a caché jusqu’ici la vie intime et passionnée de ces temps de barbarie, ce monument, par cela seul, nous paraîtrait d’une valeur inappréciable.

Toutefois, dans Callimaque l’expression des passions et des mœurs du dixième siècle est plutôt fortuite et occasionnelle que volontaire et directe. L’action de ce drame n’est pas supposée se passer sous les yeux de l’écrivain. Drusiana est une habitante d’Ephèse, disciple de l’apôtre saint Jean, et, par conséquent, elle est censée vivre à la fin du premier siècle. C’est par un procédé constamment suivi par les dramatistes de toutes les époques, que Hroswitha prête à ses personnages les idées et le langage qui avaient

Th. Antérieur à la Renaissance
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