Page:Roswitha - Abraham, 1835.pdf/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DULCITIUS
COMÉDIE
PAR HROSWITHA.

Séparateur

NOTICE SUR DULCITIUS


Le titre de comédies, et surtout de comédies composées à l’imitation de Térence, in œmulationem Terentii, que nous lisons à la tête des dix drames de Hroswitha et qu’en traducteur scrupuleux nous nous serions bien gardé de remplacer, pourrait bien, si on le prenait trop à la lettre, tromper les lecteurs sur le véritable caractère de ces productions. Ce n’est pas ici le lieu de chercher La cause du sens si large et si compréhensif que reçut le mot comœdia depuis le sixième siècle jusqu’au treizième ; il suffit de faire remarquer que cette expression n’emporte nullement avec elle, dans la langue de Hroswitha, l’idée d’une œuvre plaisante et bouffonne. Abraham et Paphnuce, qui se ressemblent à tant d’égards, sont des pièces exclusivement graves et pathétiques. On remarquera dans Gallicanus le ton et la marche de nos drames historiques, ou pièces-chroniques, comme disent les Anglais. On vient de lire dans Callimaque une vraie tragédie, terminée par une effrayante catastrophe, la mort volontaire, et, qui pis est, la damnation d’un des personnages ; une autre pièce de Hroswitha, la Foi, l’Espérance et la Charité, nous offrira le premier modèle de ce qu’on appela plus tard une moralité, c’est-à-dire un drame purement allégorique et idéal. Il n’y a donc, comme on voit, dans les six pièces de Hroswitha, que Dulcitius qui ait quelque rapport avec ce que nous appelons comédie. En effet, cet ouvrage, bien que composé, comme tous ceux du même auteur, dans une vue d’édification et de piété, et spécialement destiné à honorer et à recommander la virginité, remplit néanmoins la plus indispensable des conditions imposées par les critiques anciens et modernes à la comédie, celle d’exciter le rire et la gaîté. On peut même dire que Dulcitius, à cet égard, dépasse quelque peu les bornes du genre. Cette pièce est plus qu’une comédie ; c’est une farce religieuse, une bouffonnerie dévote, une parade sacrée qui se déploie, chose étonnante ! sans trop de disparate, à côté de l’héroïsme et du martyre des trois jeunes sœurs Agapé, Chionie et Irène. Dans cette pièce, où les illusions, les prestiges, le merveilleux dominent, les persécuteurs et les bourreaux des pieuses vierges ne sont pas simplement représentés, selon l’usage, comme des tyrans farouches et sanguinaires, mais comme des hommes ineptes et ridicules, des niais en butte aux plus risibles illusions et livrés aux mystifications continuelles d’une main cachée qui se joue d’eux. Certes, les burlesques déconvenues qui assaillent tour à tour Dulcitius et Sisinnius n’ont pas dû moins divertir, au dixième siècle, la pieuse assemblée réunie au monastère de Gandersheim, que les grotesques tribulations essuyées par M. de Pourceaugnac n’ont diverti, au dix-septième siècle la cour joyeuse de Chambord et de Saint-Germain.

Nous avons été plus heureux dans la recherche de la légende de Dulcitius que dans celle de Callimaque. Cette histoire des trois vierges Agapé, Chionie et Irène, a été écrite, par Métaphraste et l’avait été antérieurement par l’auteur inconnu de la vie de Sainte Anastasie. On peut lire cette légende bizarre dans les Bollandistes, sous la date du 3 avril. Hroswitha, selon sa coutume, a suivi exactement la sainte narration, développant toutefois plus volontiers et mettant de préférence en relief les circonstances du récit les plus amusantes et les plus gaies. Cette comédie, dont la valeur aesthétique et littéraire n’est assurément pas fort

Th. antérieur à la Renaissance
5