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DULCITIUS

AGAPÉ.

Pour vous et pour la république que vous administrez.

DIOCLÉTIEN.

Cette fille est folle ; qu’on l’éloigne !

CHIONIE

Ma sœur n’est point folle ; elle blâme votre égarement stupide, elle a raison.

DIOCLÉTIEN.

Cette seconde Ménade est encore plus délirante que la première ; qu’on l’éloigne aussi de ma présence et qu’on fasse approcher la troisième !

IRÈNE

Vous trouverez la troisième également rebelle à vos ordres et prête à vous résister opiniâtrement.

DIOCLÉTIEN.

Irène, bien que tu sois la plus jeune, tu peux devenir la première en dignité.

IRÈNE

Dites-moi comment,je vous prie.

DIOCLÉTIEN.

Courbe la tête devant nos dieux, et sois pour tes sœurs un exemple qui les corrige et qui les sauve.

IRÈNE

Que les hommes qui veulent encourir la colère du Très-Haut se souillent en sacrifiant à vos idoles ; pour moi, je ne déshonorerai point ma tête, sur laquelle a coulé l’onction du roi céleste, en l’abaissant aux pieds de vos dieux faits de bronze et de pierre.

DIOCLÉTIEN.

Le culte des dieux, loin d’être honteux, honore ceux qui le pratiquent.

IRÈNE

Y a-t-il bassesse plus honteuse, y a-t-il turpitude plus grande que de rendre aux esclaves l’hommage que l’on doit aux maîtres ?

DIOCLÉTIEN.

Je ne vous engage pas à adorer des esclaves, mais les dieux des maîtres et des princes.

IRÈNE

N’est-il pas l’esclave du premier venu le dieu qu’un artisan vend comme une marchandise pour un peu d’or ?

DIOCLÉTIEN.

Il faut que les supplices mettent fin à ce présomptueux verbiage.

IRÈNE

C’est là notre souhait ; nous aspirons au bonheur de subir des supplices pour l’amour du Christ.

DIOCLÉTIEN.

Que ces femmes opiniâtres, qui luttent contre nos édits, soient chargées de chaînes et retenues dans les ténèbres d’un cachot, pour être examinées par Dulcitius, le chef de nos gardes.



Scène II.


DULCITIUS, gardes.


DULCITIUS.

Amenez, soldats, amenez ici vos prisonnières.



Scène III.


les précédents, AGAPÉ, CHIONIE, IRÈNE.


LES GARDES.

Voici celles que vous demandez.

DULCITIUS.

Dieux ! qu’elles sont belles ! que ces jeunes filles ont de graces et d’attraits !

LES GARDES.

Assurément, elles sont très belles.

DULCITIUS.

Je me sens épris de leur beauté.

LES GARDES.

Cela est facile à croire.

DULCITIUS.

Je brûle de leur faire partager mon amour.

LES GARDES.

Il nous paraît douteux que vous réussissiez.

DULCITIUS.

Pourquoi ?

LES GARDES.

Parce qu’elles sont inébranlables dans leur foi.

DULCITIUS.

Et si je les gagne par de douces paroles ?

LES GARDES.

Elles les méprisent.

DULCITIUS.

Et si je les effraie par la vue des supplices ?

LES GARDES.

Elles les dédaignent.

DULCITIUS.

Que faire donc ?

LES GARDES.

Pensez-y.

DULCITIUS.

Enfermez-les dans la salle intérieure de l’office, dont le vestibule contient les ustensiles de cuisine.

LES GARDES.

Pourquoi dans ce lieu ?