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SCENE III

DULCITIUS.

Pour que je sois à portée de les visiter plus fréquemment.

LES GARDES

Il sera fait selon vos ordres.


DULCITIUS, les gardes.
DULCITIUS.

Soldats, que font nos captives a cette heure de nuit ?

LES GARDES

Elles s’occupent à chanter des hymnes.

DULCITIUS.

Approchons.

LES GARDES

Nous entendons dans l’éloignement le son de leurs voix argentines.

DULCITIUS.

Veillez à cette porte avec des flambeaux, moi j’entrerai et je jouirai de leurs embrassements désirés.

LES GARDES

Allez ; nous vous attendrons.



Scène V.

AGAPÉ, CHIONIE, IRÈNE.
AGAPÉ.

Quel bruit entends-je à la première porte ?

IRÈNE

C’est le misérable Dulcitius qui entre.

CHIONIE

Que Dieu nous protège !

AGAPÉ.

Amen.

CHIONIE

Que signifie ce cliquetis de marmites, de chaudrons et de lèchefrites qui s’entrechoquent ?

IRÈNE

Je vais voir ce que c’est. Ah ! venez, approchez je vous prie, mes sœurs ; regardez, à travers les fentes de cette porte.

AGAPÉ.

Qu’y a-t-il ?

IRÈNE

Voyez ! cet insensé a perdu la raison ; il croit jouir de nos embrassements.

AGAPÉ.

Que fait-il ?

IRÈNE

Tantôt il presse tendrement sur son sein des marmites ; tantôt il embrasse des chaudrons et des poêles à frire, et leur donne d’amoureux baisers.

CHIONIE

Que cela est risible !

IRÈNE

Déjà son visage, ses mains, ses vêtements, sont tellement salis et noircis qu’il offre tout-à-fait l’aspect d’un Éthiopien.

AGAPÉ.

Il est juste que son corps soit tel que son âme possédée par le démon.

IRÈNE

Voilà qu’il se dispose à sortir ; voyons ce que vont faire à sa vue les soldats qui l’attendent à la porte.



Scène VI.

DULCITIUS, les gardes.
LES GARDES

Quel est ce démoniaque, ou plutôt ce démon qui sort ? Fuyons !

DULCITIUS.

Soldats, où fuyez-vous ? Restez ; attendez ; conduisez-moi avec vos flambeaux à ma demeure.

LES GARDES

C’est la voix de notre commandant, mais c’est l’image du diable. Ne nous arrêtons pas ; pressons notre fuite ; ce fantôme veut nous maltraiter.

DULCITIUS.

Je vais au palais et j’apprendrai aux princes comment on m’outrage.



Scène VII.

DULCITIUS, les huissiers du palais.
DULCITIUS.

Huissiers, introduisez-moi dans le palais ; j’ai à parler en particulier à l’empereur.

LES HUISSIERS

Quel est ce monstre horrible et dégoûtant, couvert de haillons noirs et déchirés ? Gourmons-le et précipitons-le du haut des degrés ; il ne faut pas qu’il pénètre plus avant.



Scène VIII.

DULCITIUS, seul

Malheur, malheur à moi ! Que m’est-il arrivé ? Ne suis-je pas paré de mes vêtements les plus riches ? toute ma personne n’est-elle pas éclatante de propreté ? Et cependant tous ceux que j’aborde témoignent à ma vue autant de dégoût qu’à l’aspect d’un monstre