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DULCITIUS

quoi revenez-vous ? où courez-vous ainsi hors d’haleine ?

LES GARDES.

C’est vous que nous cherchons.

SISINNIUS.

Et où est celle que vous avez emmenée ?

LES GARDES.

Sur le sommet de la montagne.

SISINNIUS.

De quelle montagne ?

LES GARDES.

De la montagne voisine.

SISINNIUS.

Ô hommes stupides et insensés ! êtes-vous privés de toute raison ?

LES GARDES.

Pourquoi ces reproches ? Pourquoi ces regards et cette voix menaçante ?

SISINNIUS.

Que le ciel vous foudroye !

LES GARDES.

Quel crime avons-nous commis contre vous ? quelle injure vous avons-nous faite ? auquel de vos ordres avons-nous désobéi ?

SISINNIUS.

Ne vous ai-je pas ordonné de traîner dans un lieu d’ignominie cette fille rebelle à nos dieux ?

LES GARDES.

Oui ; et nous étions occupés à vous obéir, quand deux jeunes inconnus sont survenus et nous ont assurés que vous les aviez envoyés pour nous transmettre l’ordre de conduire Irène au haut de la montagne.

SISINNIUS.

C’est vous qui me l’apprenez.

LES GARDES.

Nous le voyons.

SISINNIUS.

Quel aspect avaient ces inconnus ?

LES GARDES.

Leurs vêtements étaient éclatants ; leurs traits imposants et graves.

SISINNIUS.

Ne les suivîtes vous pas ?

LES GARDES.

Nous les avons suivis.

SISINNIUS.

Qu’ont-ils fait ?

LES GARDES.

Ils se placèrent aux deux côtés d’Irène et nous envoyèrent ici pour vous informer de la conclusion de cette affaire.

SISINNIUS.

Il ne me reste plus qu’à monter à cheval pour aller voir qui se donne les airs de se jouer ainsi de nous.

LES GARDES.

Nous y courrons aussi.



Scène XVI.

les précédents, IRÈNE.
SISINNIUS, à cheval.

Qu’est-ce ? je ne sais ce que je fais ; je suis ensorcelé par les chrétiens. Voyez ; je tourne incessamment autour de cette montagne, et si je parviens à trouver un sentier, je ne puis ni monter ni revenir sur mes pas.

LES GARDES.

Nous sommes tous ici les jouets des enchantements les plus étranges ; la fatigue nous accable. Si vous laissez vivre plus long-temps cette femme insensée, vous serez la cause de votre perte et de la nôtre.

SISINNIUS.

Qu’un des miens, quel qu’il soit, tende son arc, lance une flèche et perce cette femme criminelle.

IRÈNE

Malheureux ! rougis de te voir honteusement vaincu ; gémis de n’avoir pu triompher que par la force des armes de l’enfance d’une faible vierge.

SISINNIUS.

Je me résigne aisément à cette honte, car je suis sûr que tu vas mourir.

IRÈNE

C’est pour moi le comble de la joie et pour toi un sujet d’affliction ; car, en punition de ta méchanceté, tu seras damné dans le Tartare, et moi j’irai recevoir la palme du martyre et la couronne de la virginité dans le palais aérien du Roi éternel, à qui appartiennent l’honneur et la gloire dans tous les siècles.


FIN DE DULCITIUS.