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40 L’ART THÉÂTRAL MODERNE. complètement négligée. L’erreur principale est de croire la rudesse nécessaire pour la clarté d’un dessin ou d’un caractère. Les figures de cire, malgré que l’imitation de la nature atteigne ici le plus haut degré, ne produisent pas d’impression esthétique. Elles ne peuvent pas être considérées comme des œuvres d’art, parce qu’elles ne donnent rien à la fantaisie du spectateur. Les acteurs ont ainsi un jeu défini. Ne pas achever, procéder par allusion, est donc inadmissible au théâtre naturaliste ; il s’ensuit que fréquemment le jeu se prolonge alors qu’il n’est plus nécessaire à l’intelligence du spectacle ni à son effet. A ce double point de vue, les résultats sont franchement mauvais, car le spectateur a besoin d’exercer son imagination ; ne rien lui abandonner, c’est ôter au théâtre une partie de son attrait. Rappelons-nous ces deux paroles : « L’œuvre d’art n’a d’influence que par la fantaisie. Elle doit constamment l’éveiller, dit Schopenhauer. Ou, tout montrer, tout préciser, c’est empêcher la fantaisie d’éclore. » « On peut ne pas achever beaucoup de choses ; le spectateur les achèvera lui- même, et parfois son illusion en sera augmentée ; en revanche dire quelque chose de trop, c’est bousculer une statue faite de petits morceaux et la briser, c’est enlever la lampe et la lanterne magique. » (Tolstoï). La fantaisie du spectateur, si elle était encouragée, affinerait toute une sensibilité. Et ce qui est vrai, pour la scène, est vrai aussi pour la psychologie au théâtre ; c’est le désir d’être complet et réel qui inspire les longues conver-

« L OISEAU BLEU ». LE CHAT. DE V.-E. EGOROF.