Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome I, 1930.djvu/50

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continue donc de marcher dans l’espoir de trouver bientôt un abri contre la tempête, lorsque soudain j’aperçois un immense brasier à quelques arpents devant moi, à l’ombre d’un énorme fragment de rocher. Je m’arrête à cette apparition subite. Je ne suis pas peureux, mais ce feu ne me paraissait pas naturel par un temps aussi affreux.

« Après réflexion faite, je me dis ; ce sont sans doute des amis, des compagnons de chasse qui sont descendus avant la veillée. Surpris par la tempête, ils ont allumé un grand feu pour lutter contre le froid. Je continue alors de marcher, en ayant soin de faire le moins de bruit possible, afin de reconnaître mes chasseurs sans être vu. Je parcours de la sorte une distance de deux à trois arpents. Je touche enfin presque au brasier, mais des arbres et des fragments de rochers m’empêchent encore de distinguer les personnes réunies auprès du bûcher.

« J’aperçois à ma gauche un rocher très élevé. Je grimpe dessus en faisant un long détour, et, de cette position, je porte mes regards dans la direction du feu. Quel spectacle s’offre alors à ma vue ! Quarante ans se sont écoulés depuis, et j’en frémis encore quand j’y pense. Autour d’un grand feu, je découvre une quinzaine de diablotins avec de longues queues et de grandes cornes, dansant, grimaçant, hurlant et blasphémant ; ils lancent des étincelles par la bouche, par les yeux, par les oreilles ; avec leurs longues fourches ils attisent le feu. À cette vue, les cheveux