Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome I, 1930.djvu/51

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me dressent à la tête. J’ai peur. Jusqu’à présent je n’avais vu le diable que sur des images, et aujourd’hui je le vois en personne et à deux pas de moi. On a beau être brave, il faut trembler, et je tremble de tous mes membres comme un frêle roseau secoué par l’orage. Je fais le signe de la croix et j’invoque la sainte Vierge ; je la supplie de me protéger contre les artifices du démon.

« Une idée lumineuse me traverse alors l’esprit. Je savais que les diables que je voyais là n’étaient rien autre chose que des hommes méchants ou quelques-uns de ces sorciers dont j’avais entendu parler tant de fois par ma grand’mère. Dans ce cas, pour délivrer ces méchants, il suffisait de les blesser pour en faire sortir du sang ; aussitôt ces personnes amorphosées (métamorphosées) reprenaient la forme humaine. Je me jette donc à plat ventre, j’arme mon fusil et je fais feu sur la troupe des diablotins. Et puis, plus de brasier, plus de diables. Tout est disparu. La plus grande obscurité règne en ces lieux, et je reste seul dans cette sombre solitude.

« Quelques instants après, la tempête s’apaise, la pluie cesse, les nuages se dissipent et la lune brille d’un vif éclat. Je reprends courage, et je m’avance lentement vers l’endroit occupé tout à l’heure par les diablotins. J’éprouve bien encore quelques douleurs, mais je parviens néanmoins à maîtriser mon émotion ; je veux voir à tout prix si les danseurs de danses rondes n’ont pas laissé des traces de leur passage.