Page:Rouleau - Légendes canadiennes tome II, 1930.djvu/129

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Je suis porté à le croire. Et ce serait un meurtre de moins sur la mémoire du docteur l’Indienne.

Puisqu’on en est sur le sujet du docteur l’Indienne, on m’a raconté qu’il parcourait les paroisses, vendant des médecines et faisant aussi des sortilèges. Un jour, il arrive chez mon grand-père, au rang de la montagne à Boutotte. Plusieurs voisins y accourent aussitôt, pour avoir de lui des nouvelles de Québec et de partout. En ces temps primitifs, nos habitants ne recevaient pas la gazette. C’était longtemps avant Papineau. Après avoir jasé sur mille et un sujet, le docteur l’Indienne leur proposa de faire entrer la mer dans la maison. On accepte avec crainte. J’ignore ce qu’il fit pour cela ; mais on m’assure que bientôt le plancher parut humide, puis couvert d’une eau verdâtre, qui gonflait pouce par pouce. C’était bien la mer, avec son roulis, sa couleur vert-bouteille, tellement que toute l’assistance se souleva les pieds pour ne pas les mouiller. Puis, à leurs yeux, la mer monte de plus en plus ; les voilà qui poussent des cris de frayeur. Les uns montent debout sur leurs chaises, d’autres sur la table ou sur les lits pour échapper à la noyade. Et ils supplient le terrible magicien de ne pas les engloutir. À l’ordre du docteur qui souriait sournoisement, l’eau baisse peu à peu ; bientôt on ne voit plus que le plancher humide, puis rien. Une personne qui y était présente et qui chercha sa sûreté sur un lit m’a assuré que quelqu’un, après s’être mis debout sur sa chaise, voyant