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Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/102

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  Deux ans, j’ai froissé les pages
  De mon livre détesté,
  En rêvant des bois sauvages
  La sauvage liberté !

  Ah ! quelle vaine science
  Que celle des lourds rhéteurs !
  Que leur superbe ignorance
  Dessèche, attriste les cœurs !

  Délivré des froids sceptiques,
  Et des ergoteurs glaçants,
  Délivré des scholastiques,
  Et de tous les faux savants, —

  Seul, dans la savane verte,
  Seul, dans l’immense forêt,
  Ah ! j’ai repris ma couverte,
  Mon arc et mon calumet !

  Pour compagnons, j’ai les hôtes
  Des solitudes de Dieu ;
  J’ai, pour demeures, des grottes,
  Des cavernes en tout lieu !…

  Je suis le fils des Savanes,
  Plus libre que les troupeaux,
  Les errantes caravanes
  De farouches buffalos !

  Plus libre, dans ma retraite,
  Que l’aigle sur son rocher, —
  Avec l’humble anachorète,
  Je puis chanter et prier !…

  L’Amérique, oh ! l’Amérique,
  Avec ses monts, ses déserts,
  Qu’habite l’Esprit mystique ;
  Ses lacs, grands comme des mers ;

  L’Amérique, aux frais ombrages,
  C’est le pays le plus beau,
  Le pays des ermitages,
  Qu’aurait choisi Saint Bruno !

  C’est le pays de la vie,
  C’est le Continent Nouveau,
  C’est la verte Colombie,
  La terre de mon berceau !