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Page:Rouquette - L'Antoniade, 1860.djvu/154

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Le ciel, en me créant, m’a dit : « Sois souverain ! »
Je suis roi du désert, roi de la solitude !
  Hélas ! le monde est plein de fous ;
  Chacun a sa monomanie ;
  On ne dispute pas des goûts :
  La folie est partout folie !
  Docile, héroïque animal,
  Toi, tu suis la règle commune ;
  Mais, excentrique, original,
  Hélas ! je vis sans règle aucune !
  Pour boisson, j’ai l’eau du torrent ;
  Pour pitance, la folle-avoine ;
  Je suis l’onagre indépendant ;
  Je suis un fils de Saint Antoine !
  Retourne, ô frère citadin,
  Au râtelier de l’écurie ;
  Va savourer le picotin,
  Qu’on jette en ta crèche chérie !
  Qui des deux est le plus sensé ?
  Tu dis que je bats la campagne ; —
  Hélas ! toi tu bats le pavé,
  Et l’esclavage t’accompagne !
  Toute ville est une prison !
  Dieu donna l’espace au bison ;
  Le renard trouve une tanière,
  La colombe un nid dans la pierre ;
  C’est dans le désert qu’autrefois
  Du ciel on vit tomber la manne ;
  C’est Dieu qui fît l’immense bois,
  Et qui fît la vaste savane :
  Mais l’homme a bâti les cités,
  Et les villes et les villages,
  De tous les plus vils esclavages
  Criminels séjours agités !
  Si moi je contemple les astres,
  Toi, tu couves des yeux tes piastres, —
  Ménageant la chèvre et le chou : —
  Qui de nous deux est le plus fou ?


l’âne domestique.


  Dis-moi, dans ta sombre détresse,
  Par les moustiques dévoré,
  Quel ennemi jamais te laisse
  Un jour de repos assuré ?
  Ici, ce sont d’impurs reptiles :
  Là, c’est un trou de crocodiles ;
  Plus loin, un antre plein de loups ;
  Tous les animaux en courroux