Sublime enthousiasme, où l’âme,
Éprise d’un objet divin,
Dans la solitude s’enflamme,
Pour l’aimer seul, l’aimer sans fin !…
Loin de moi tout époux vulgaire ;
Tout amour, délire fatal :
À l’ermitesse solitaire
Il faut l’Éternel Idéal !
Il faut, non l’ombre, non l’image,
Non le reflet matériel ;
Mais l’Astre brillant sans nuage,
Dans son éclat surnaturel !
À lui seul mes chants de louanges,
À lui seul mes hymnes d’amour !
Que ma lyre à celle des Anges
S’accorde au céleste séjour !
Que rien ici-bas ne m’arrête,
Que rien ne borne mon essor :
Je veux, montant jusques au faîte,
Contempler Dieu sur le Thabor, —
Dussé-je, dans ma sainte audace,
Comme un aigle au ciel foudroyé,
Après l’avoir vu face à face,
Mourir près de l’Ange effrayé !…
Hélas ! pardon, mon Dieu ! — la femme
Ne sait pas aimer à moitié ;
Elle répand toute son âme
Dans l’amour ou dans l’amitié !
Oui, je m’appartiens à moi-même,
Et je me suis donnée à toi,
Tout entière à l’Époux que j’aime,
Et qui s’est incarné pour moi !
Pour t’adorer, j’ai fui les villes ;
Et devançant les pionniers,
J’ai cherché de secrets asiles,
Où nul n’a frayé des sentiers ! —
Salut, ô calmes solitudes,
Inaccessibles profondeurs,
Où, loin du bruit des multitudes,
J’ai trouvé des bois protecteurs ;
Où je n’ai, dans mes longues courses,
Vu que le daim et le bison,
L’oiseau buvant aux mêmes sources,
Où je buvais chaque saison !
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