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Le Nouveau-Monde attend son Benoît d’Ariane !…
Au-dessus du désert je sens l’Esprit qui plane ;
Je sens se rallumer des foyers plus ardents ;
L’âme régénérée a repris ses élans !
Je te vois adopter la Règle érémitique,
Ô mon frère rival, en ta vie ascétique ;
Je vois autour de toi, par l’amour réunis,
Ainsi que les oiseaux, des ascètes bénis,
Puisant dans le torrent l’eau vive pour breuvage,
Et trouvant, en tous lieux, des fruits, du miel sauvage.
Je vois croître la vigne et mûrir le raisin,
Et pour l’autel sacré couler à flots le vin ;
Le vin pur, exprimé des grappes indigènes,
Et non le vin douteux des vendanges lointaines !
Tu cultives en paix, austère Emmanuel,
La contemplation, le travail manuel,
L’oraison et l’étude ; et tu vis solitaire,
Opposant au démon le jeûne et la prière ;
Et sans être troublé du blâme des méchants,
Tu chantes à Dieu seul tes séraphiques chants !


emmanuel.


Ce qui se lie en Dieu, jamais ne se divise :
Tout en Dieu, tout pour Dieu, telle est notre devise. —
Toujours pour travailler à sa gloire ici-bas,
Du héros l’héroïne a su suivre les pas ;
Et comme auprès d’un lys s’élève une hyacinthe,
Toujours auprès d’un saint Dieu fait naître une sainte ! —
Tout en Dieu, tout pour Dieu, dans la joie et les pleurs,
Pendant les jours d’épreuve et les jours les meilleurs,
Partageant les combats ainsi que la victoire,
Sur nos fronts dans le ciel luira la même gloire !
Il est permis d’aimer lorsque l’on s’aime en Dieu,
Et l’amitié des saints est un céleste feu !
L’esprit de saint François, suscitant sainte Claire,
De son ardeur divine et l’enflamme et l’éclairé ;
Et plus tard une vierge, éprise de la croix,
Trouve un fervent émule en saint Jean-de-la-Croix !
Depuis l’austère Antoine et l’humble Synclétique,
Tout saint a vu surgir sa rivale mystique ;
Et jamais aucune œuvre, entreprise pour Dieu,
Ne fût le germe éclos d’un solitaire vœu !
En vain le monde hostile, armé de calomnies,
Oppose au zèle ardent ses froides ironies :
L’homme et la femme, en Dieu concentrant leurs amours,
Ensemble enfanteront des miracles toujours !


antoine calybite.


Il est, Seigneur, il est des âmes ainsi faites,
Qu’elles aiment le deuil et redoutent les fêtes ;