Page:Rouquette - La Nouvelle Atala, 1879.djvu/15

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était attiré par le génie mystérieux qui habite l’immensité des vierges solitudes ; elle languissait de tristesse, au milieu des joies du monde ; elle enviait le sort des Indiennes, qui venaient souvent à l’habitation de son père, pour vendre leurs paniers et des plantes aromatiques ; elle s’entretenait longuement avec ces chastes filles du désert ; et elle leur disait, avec un accent de mélancolie qui les étonnait : « Vous autres, heureuses ; moi, malheureuse ; moi, pleurer beaucoup ! Pourquoi moi pas naître comme vous dans cabane-latanier ? Moi envie couri avec vous dans bois, bien loin, bien loin, là-bas, là-bas ! » Une de ces Indiennes lui répondit une fois : « Moi pas comprendre toi ; toi gagnin tout kichose ; pourquoi pas content ? Pleurer, pas bon ! » —L’enfant prétendue de la civilisation ne put s’empêcher de sourire à ce langage de la fille du désert ; mais elle n’entreprit pas de lui donner une explication de l’état de son âme, sachant bien qu’elle ne pourrait comprendre ni ses regrets ni ses aspirations, elle qui ignorait la vague inquiétude des grandes passions.

« Tout manque à l’âme, qui n’a pas ce qu’elle désire le plus : Plaisirs, richesses, honneurs, gloire et célébrité, qu’est-ce que tout cela ? L’âme est un océan, que tous les fleuves ne peuvent remplir ; ils s’y jettent et s’y engloutissent. Il y a une Réalité par delà toutes les ombres ; et l’âme veut saisir et étreindre cette Réalité ;