Page:Rouquette - La Nouvelle Atala, 1879.djvu/33

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régna en souveraine ; elle règne encore aujourd’hui ; elle régnera jusqu’à la fin, ornant de fleurs la dernière tombe, comme elle en a couronné le premier berceau.

La poésie a civilisé les sociétés naissantes, et elle empêche les vieilles sociétés de retomber dans la barbarie. Un signe certain de décadence et de ruine prochaine, c’est le débordement de la prose ergoteuse et marchande, impie et dévergondé, qui flatte tous les plus mauvais instincts de l’homme affranchi de Dieu et livré à lui-même. Lorsque la Muse remonte au ciel, la société est abandonnée aux sophistes, aux romanciers et aux démagogues, en attendant l’invasion des hordes barbares, que Dieu envoie pour venger la nature outragée, et la Religion bannie de l’éducation de la jeunesse.

Quand je parle de poésie, je n’entends pas parler de celle qui est fêtée dans les salons et applaudie sur les théâtres, ou de celle qui descend dans les rues, les carrefours et tous ces bas lieux, où s’agitent les bacchantes échevelées et les rhapsodes en délire ; non, les accords de la lyre seraient étouffés par les hurlements de l’orgie ; et les fades compliments des salons, les tumultueux applaudissements des théâtres seraient une indigne profanation de la chose la plus sainte dont le ciel ait favorisé la terre, et que la terre honore à l’égal de la Religion.

Etre poète, c’est être inspiré, c’est être pro-