Page:Rouquette - La Nouvelle Atala, 1879.djvu/34

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phète, c’est être créateur. « On a dit que le poète est celui qui ne fait rien, et cependant poète, dans l’unique signification du mot, veut dire celui qui agit, et ceux qui ne savent pas le grec pourraient peut-être deviner cela. » Le poète met sur un nom la marque royale qui permet à ce nom de traverser les siècles, et qui lui sert de garantie auprès de la postérité la plus éloignée. C’est le poète qui donne la gloire et l’immortalité, ou, si l’on aime mieux, la gloire de l’immortalité et l’immortalité de la gloire. Oui, le poète perpétue, en la revêtant de splendeur, la mémoire des grands hommes et des grandes actions. Il signale les sanguinaires égoïstes et désigne les héros bienfaiteurs. C’est lui qui ouvre le temple de la renommée et y inscrit la liste de ceux qui ne doivent pas mourir dans la tradition des peuples.

Il y a de l’enfant et du prêtre dans le chantre inspiré. Il parle des choses de la terre dans la langue du ciel, pour les diviniser. Il idéalise le réel, et réalise l’idéal. Les ombres du temps lui disent les saintes obscurités des mystères de l’éternité. Derrière le voile obscur de la matière, brille pour lui la splendeur de l’Esprit. Il est le sublime interprète, le traducteur illuminé du sens mystique des merveilles de la création. Il raconte et prédit avec une égale certitude. Il tient d’une main la harpe harmonieuse, et de l’autre les foudres de la parole