Page:Rouquette - La Thébaïde en Amérique, 1852.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« C’est dans le recueillement de l’esprit que germent les bonnes pensées, et que l’infortuné peut faire fructifier les adversités que Dieu lui envoie afin de l’attirer à lui, et que l’âme reçoit des inspirations qui sanctifient la vie, et la font fleurir de toutes les vertus.

« La pensée, surtout, est amie de la solitude, parce qu’elle y gravite en paix vers son centre, qui est Dieu ; et s’il y a tant de désordre sur la terre, c’est qu’il n’y a personne qui réfléchisse souvent en soi-même.

« J’ai vu des hommes dont le jugement était sain et la volonté droite et ferme, et j’ai dit : ils ont conversé longtemps avec la solitude et elle leur a livré ses secrets et révélé le sens de bien des énigmes.

« Car c’est une science universelle que la solitude, et celui qui y a été initié de bonne heure connaît beaucoup de choses et a vécu beaucoup.

« L’isolement a donc cela de bon qu’il repose l’esprit et rafraîchit le sang ; mais il a cela de mauvais que s’il ne relève pas, il abat, et que s’il ne ressuscite pas, il tue. » (Les épreuves de la vie, p. 68, par Henri Bretonneau.)

« Nous avons tous un goût naturel pour la vie champêtre. Loin du tracas des villes et des jouissances factices, que leur vaine et tumultueuse société peut offrir, avec quel plaisir vivement ressenti nous allons y respirer l’air de la santé, de la liberté, de la paix !…

« Combien aisément ou y oublie, et les tristes projets de la grandeur, et les vaines jouissances de la gloire, et le mépris du monde et sa froide injustice. » (Bergasse.)

« Nous concevons très bien le genre d’attrait qu’a pour certaines âmes, fatiguées du monde et désabusées de ses illusions, cette existence solitaire. Qui n’a point aspiré à quelque chose de pareil ? Qui n’a pas, plus d’une fois, tourné ses regards vers le désert et rêvé le repos en un recoin de la forêt, ou dans la grotte de la montagne, près de la source ignorée où se désaltèrent les oiseaux du ciel ? » (Lamennais.)

« Heureux celui qui, fatigué du vain fracas du monde et désabusé de ses tristes plaisirs, a su venir ainsi dans la solitude et le silence goûter combien le Seigneur est doux ! Là, Dieu a parlé à son cœur ; et le divin langage, comme une rosée rafraîchissante, a calmé la fièvre ardente des passions. Il s’est assis dans le repos. La foi vient qui le nourrit et l’épure ; l’espérance l’élève au-dessus de tous les soins terrestres ; et l’amour qui remplit son âme le tient étroitement attaché à ce bien souverain, seul digne d’être aimé pour lui-même.

« Alors il se fait un grand calme ; un recueillement profond absorbe tout l’être intelligent et sensible ; le ciel s’est abaissé, ce semble ; l’homme un instant est fait ange, il a devancé les jours de la céleste béatitude : Dieu s’est donné à l’âme, et l’âme le possède en silence. » (L. P. Ravignan.)

« Jean Pic, prince de la Mirandole, ce prodige d’esprit et de science, qui mourut en 1494, à la trente-deuxième année de son âge, et qui, après s’être convaincu du néant des choses humaines, vécut en philosophe chrétien, s’exprimait de la sorte (Ep. ad amicum Andream Corneum) sur les avantages de la solitude et sur le mépris du monde : « plusieurs s’imaginent que le plus grand bonheur de cette vie consiste à être constitué en dignité et en puissance, à jouir de l’abondance, à être environné de l’éclat d’une cour : Vous ne pouvez ignorer que rien de tout cela ne m’a manqué : Eh ! bien, je vous assure que je n’ai jamais goûté de vraie satisfaction que dans la retraite et dans la contemplation. Si les Césars pouvaient parler du fond de leurs tombeaux, je suis persuadé qu’ils déclareraient que Jean Pic est plus heureux dans la solitude qu’ils ne l’étaient dans le gouvernement de l’univers ; et s’il était possible que les morts revinssent sur la terre, ils aimeraient mieux subir sur-le-champ une seconde mort, que de courir une seconde fois le risque de perdre leur âme dans l’exercice des fonctions publiques. » (Godescard.)

« Retirons-nous dans la solitude, pour ne trouver que Dieu, là où nous ne trouverons point d’hommes. »(St-Bruno.)

« Pour avoir une idée du paradis, il faut être dans la solitude en contemplation. » (St-Laurent Justinien.)

« Les solitaires sont les miracles vivants du monde ; ils vivent dans la chair comme n’en ayant pas ; ce sont des anges sur la terre ; ce sont des aigles qui prennent leur essor vers le ciel. » (Cardinal Bona.)

————

« Un historien de Saint-Thomas d’Aquin nous dit, que plus on l’éloignait de la compagnie des hommes, plus il goûtait