Page:Rouquette - La Thébaïde en Amérique, 1852.djvu/57

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« J’ai déjà vu, dans ma vie, dit le P. Lacordaire, bien des jeunes gens ; et je vous le déclare, je n’ai jamais rencontré de tendresse de cœur dans un jeune homme débauché ; je n’ai jamais rencontré d’âmes aimantes que les âmes qui ignoraient le mal ou qui luttaient contre lui »

Arrivons maintenant à la chasteté du Prêtre, et c’est Michelet que nous ferons parler ; Michelet qui, dans ces derniers temps, a essayé en vain de détruire, par des attaques passionnées, le magnifique et sincère témoignage qu’il avait rendu au célibat, à la chasteté du Prêtre :

« Certes, ce n’est pas moi, dit-il, qui parlerai contre le mariage ; cette vie a aussi sa sainteté. Toutefois, ce virginal hymen du prêtre et de l’Église, n’est-il pas quelque peu troublé par un hymen moins pur ? Se souviendra-t-il du peuple qu’il a adopté selon l’esprit, celui à qui la nature donne des enfants selon la chair ? La paternité mystique tiendra-t-elle contre l’autre ? Le Prêtre saurait se priver pour donner aux pauvres, mais il ne pourra priver ses enfants ! Et quand il résisterait, quand le Prêtre vaincrait le père, quand il accomplirait toutes les œuvres du sacerdoce, je craindrais encore qu’il n’en conservât pas l’esprit. Non, il y a dans le plus saint mariage, il y a dans la femme et dans la famille, quelque chose d’énervant, qui brise le fer et fléchit l’acier. Le plus ferme cœur y perd quelque chose de soi. Le Prêtre était plus qu’un homme ; marié, ce n’est plus qu’un homme… Et cette poésie de la solitude, ces mâles voluptés de l’abstinence, cette plénitude de charité et de vie, où l’âme chrétienne embrasse Dieu et le monde, ne croyez pas qu’elle puisse subsister entière au lit conjugal… Et que deviennent ces méditations solitaires où l’âme se retrempe devant un crucifix, les rêves mystérieux et les sublimes orages ou combattent en nous Dieu et l’homme ? C’était fait du christianisme, si l’Église, amollie et prosaïsée dans le mariage, se matérialisait dans les soins de la famille. Dès-lors, plus de force intérieure ni d’élan vers le ciel. Jamais une église à Prêtres mariés n’aurait enfanté les prodiges de l’art religieux, ni l’âme de Saint-Bernard, de Saint-Vincent-de-Paul ou d’un Saint-François de Sales, ni le génie de Saint-Thomas, ni tous ces ordres religieux, ni les savants et profonds Bénédictins. À de tels hommes il faut le revueillement solitaire, ou le monde entier pour famille. Car voilà le chef-d’œuvre du christianisme ; l’individu et les petites affections disparaissent devant les besoins spirituels et corporels de tous les hommes. Jésus-Christ a presque abandonné sa mère pour embrasser le genre humain ; en mourant il la remet à Saint Jean, pour ne penser qu’à une seule chose, le salut du monde entier ; il a vécu vierge, il est mort vierge ; dès là, la grande consécration du célibat des prêtres. Mais le temps seul pouvait amener cette belle pensée à toute sa perfection, qui date de l’organisation complète de l’Église. » (Histoire de France, vol., 1. p. 168.)

Enfin, concluons par l’irréfragable argument du célèbre Dominicain :

« La doctrine catholique a fait un sacerdoce chaste… La foi des générations attentives ne s’y méprend pas : elle croit à une vertu qu’elle a trop éprouvée ; elle amène à nos pieds des enfants de seize ans, des cœurs de seize ans, des aveux de seize ans ; elle les y amène à la face de l’univers et de l’étonnement de l’impie ; elle y amène la mère avec la fille, les chagrins précoces avec les chagrins vieillis, ce que l’oreille de l’époux n’entend pas, ce que l’oreille du frère ne sait pas, ce que l’oreille de l’ami n’a jamais soupçonné. L’humanité proclame par cette confiance miraculeuse la sainteté du sacerdoce catholique ; et la fureur de ses ennemis viendra se briser toujours contre cette arche qu’il porte toujours avec lui. Ils la poursuivront, comme l’armée de Pharaon, jusque dans les eaux profondes ; mais le mur, le cristal de la chasteté, s’élèvera toujours entre eux et nous ; ils maudiront ce fruit divin qui naît en nous et qui nous protège ; ils le maudiront vainement, parce que la malédiction qui tombe sur la vertu est comme celle qui tombait sur la croix de Jésus-Christ l’avant-veille de la Résurrection. » (22e conf. 1847.)

Et voilà cette vertu si peu comprise des incrédules et des protestants ; cette vertu qu’ils nient dans les autres, parce qu’ils ne la pratiquent pas ; cette vertu, qui est si odieuse à nos chers frères dissidents, qu’il n’en peuvent pas même souffrir le nom sacré, — the very name is hateful to them, nous dit