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Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/132

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LE GRAND SILENCE BLANC

de ses poils raides où les glaçons achèvent de fondre disent son évidente satisfaction.

Désœuvré, je prends ma trousse et me mets en devoir de réparer ma chemise de peau qui est en grande pitié.

Je tire l’aiguille à rendre des points — c’est le mot — à Jenny elle-même. De temps en temps, Tempest ouvre un œil, grogne un peu plus fort, puis reprend sa somnolence.

Il faut avoir vécu dans la solitude pour comprendre la joie de pouvoir parler à un être humain. Les plus cruelles privations ne sont rien à côté de l’effroyable supplice du silence. Être seul devant les plus beaux paysages du monde, seul avec sa pensée qui tourne en rond autour du cerveau comme une bête emmurée, sentir sa raison mourir peu à peu, être ivre de solitude au point de chanceler, avoir faim de parler à quelque chose de vivant !

Dans l’Arizona, sous un œil flamboyant, où les cactus se dressent comme de gigantesques chandeliers à sept branches, je parlais à mon cheval ; ici, aux dernières marches du monde, je trouve l’apaisement et avec l’apaisement la sagesse, en discourant avec mon chien.

— N’est-ce pas, Tempest, qu’il fait un affreux temps…

Tempest grogne, donc il approuve.

Un temps que les hommes — qui sont injustes parce qu’ils sont des hommes — appellent un