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LE GRAND SILENCE BLANC

temps de chien… ou un chien de temps, si vous préférez.

C’est évidemment son avis.

Je poursuis mon monologue :

— La justice n’existe pas. Qu’est-ce, en somme, que la justice ? Un mot. Et les juges ? Moins que rien, des hommes. Si vous les voyiez, monsieur Tempest, chez moi, dans mon pays de civilisés, ces hommes s’habillent de rouge ou de noir, on leur met sous le menton de petites bavettes blanches. N’allez pas croire pour cela qu’ils soient en enfance ou simplement gagas, non, c’est la coutume ; au pays britannique, ils ont des perruques hautes comme ça…

Mon geste ou mon raisonnement effraye Tempest qui se dresse et montre les crocs.

Son âme incivilisée ne comprendra jamais les beautés de notre monde.

Changeons la conversation.

— Là, rentrez vos crocs barbares, j’ai pourtant raison. Si la justice existait, vous seriez dehors, avec vos compagnons, endormis sous la neige et non devant le feu à vous rôtir les pattes…

Monsieur Tempest n’en veut pas savoir davantage, il ne rouvre même plus son œil gauche, ses oreilles sont repliées, il rêve tout haut devant les flammes qui dansent.

Tout à coup, il se dresse, les oreilles droites, la gueule ouverte ; rauque, il aboie trois fois, il