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LE GRAND SILENCE BLANC

Le Père Noël chargé des joujoux convoités, les poupées pour mes sœurs, les livres pour moi. Je vois nettement la couverture rouge, les tranches dorées, et le titre qui flamboie : Le Sphinx des glaces, Le Capitaine Hatteras

Le mystère des terres polaires qui m’attire…

Le grand silence blanc !

Hein ! quoi… Ah ! oui, je ne rêve pas… les solitudes glacées, les neiges éternelles… je suis servi…

Tempest a repris sa place auprès du foyer, il grogne, l’air heureux. Mac O’Neil confectionne un cocktail savant, et il parle, il parle…

Mes Noëls d’étudiant, dans la ville aristocratique où le ciel est clément. La nuit trouée d’étoiles, la théorie des jeunes gens qui passent chantant des refrains grivois… Mes camarades, je vous vois : Broche, si drôlement ivre ; Bartek, au large sourire ; Sapiens, Catacloum… Je vous vois aussi, Lise, Margot, Daisy, Mourrette, poupées qui enchantiez nos âmes de vingt ans…[1]

Les cloches sonnent à la volée, les cloches qui chantaient à ma naissance, les cloches qui pleuraient au cercueil de mon père… Le vent m’apporte leurs voix graves qui passent sur les eaux, qui passent sur les terres et qui, après une randonnée de huit mille lieues, mettent de la joie dans mon âme, du soleil dans mon cœur.

  1. Voir : L.-F. Rouquette, La Cité des Vieilles.