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Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/237

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LE GRAND SILENCE BLANC

les épaules, signe d’un profond mépris pour toutes sciences exactes, et chique, preuve irréfutable que ma conversation ne l’intéresse plus.

Cinquante degrés sous zéro, c’est une affaire. J’ouvre la porte et je sors. J’ai simplement relevé le col en woolverine de ma veste de peau. Cinquante degrés, pas possible ! L’air est pur. Rien ne trouble l’immense silence de la nuit polaire. La silhouette des sapins se découpe, nette, comme au ciseau. Seule, la terre est dure sous le pied. Et cela est une constatation qui ne trompe pas.

Je rentre au bout d’un moment et je dis :

— Vous aviez raison, nous aurons cinquante.

Gregory Land bougonne quelque chose comme « évidemment ». Avant de fermer la porte, je siffle. Dix secondes après, une boule hirsute bondit en jappant.

C’est Tempest.

Du coup, le mutisme du postier cesse. Il recommence à égrener son chapelet d’injures qu’il émaille, aux gros grains probablement, de conseils appropriés.

— Dam ! nom d’un chien, per Dio ! vous n’en ferez rien de cette brute bête. Diavolo, devil, demonio, a-t-on idée d’élever un chien ainsi !

J’arrête le discours de Gregory d’un seul mot.

— Tempest n’est pas un chien.

— Eh, bruto ! qu’est-ce que c’est donc ?

— Tempest est mon ami.

J’ai dit cela si gravement que les grognements