Page:Rouquette - Le Grand Silence Blanc, 1920.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
LE GRAND SILENCE BLANC



— Tempest, mon vieux frère, qu’avez-vous à tourner en rond comme un chien de riche dans un jardin public ? Tenez-vous tranquille, que diable ! Employez mieux votre halte, reposez-vous.

Mes conseils de sagesse — comme tous les conseils de sagesse — sont inutiles.

Tempest va, vient, il court vers ses camarades qui font craquer sous leurs mâchoires robustes les morceaux de phoque gelés que je leur ai jetés. Chose singulière, Tempest, mon leader, mon chien de tête, n’essaye pas de ravir leur proie… Il tourne, inquiet, lève le mufle comme pour prendre le vent, remue, tour à tour, l’oreille droite et l’oreille gauche, les pointe toutes deux attentives, puis il revient vers moi, s’assied sur son arrière-train et la gueule ouverte gémit.

Je torche d’un bout de pain mon assiette d’aluminium.

— Tenez, dis-je, la main tendue.

Tempest détourne la tête. Il refuse mon présent et gémit à nouveau. Soudain, il s’élance, va vers ses copains qui achèvent de manger et leur mord les jarrets.