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LE GRAND SILENCE BLANC

ragan. Il a senti que, si nous étions surpris par lui dans la montagne, c’était la mort.

La bête, avec son intelligence sûre, a eu conscience de cette chose.

Elle m’a sauvé la vie tout simplement… J’éprouve mon igloo du poing. Il est dur comme du granit.

La tempête peut arriver maintenant. Je la brave. Et tout en émettant des pensées philosophiques sur les bêtes en général et Tempest en particulier, à quatre pattes je me glisse dans mon abri, cependant que la hurlée de l’ouragan monte et passe, avec un bruit de galopade…

Pour une sacrée tempête, c’est une sacrée tempête ! La neige tombe, épaisse et rude, que les vents emportent en tourbillons. Il ne doit pas faire bon à cette heure sur le trail de la montagne.

Je savoure, en égoïste, la joie d’être à l’abri… Je paresse, allongé sur mes peaux, les mains sous ma nuque, les jambes tendues vers le feu sur lequel la bouilloire de cuivre chante.

Un instant, mes mocassins qui fument m’intéressent, puis c’est la flamme courte de ma lampe, toute pareille à un œil jauni, qui retient ma pensée. Je me sens fort, je me sens sain, je suis heureux…

La rafale n’ayant plus rien qui lui résiste passe, frénétique, courant droit sur la plaine comme une bête enragée.