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LE GRAND SILENCE BLANC



Nous sommes depuis huit jours bloqués par la tempête, vivant côte à côte, dans une fraternité inconnue dans toute autre partie du monde.

Jessie, le danger passé, a retrouvé son activité féminine. Elle va, alerte, dans l’étroite chambre, me débarrassant des soucis domestiques. Elle est la clarté de ma vie, sa présence se devine à mille détails ménagers… Ma veste de cuir a tous ses boutons, mes fourrures ne pendent plus comme des loques, ma toque de loutre possède une coiffe…

Ce matin, elle est sortie le rifle sur l’épaule, avec Tempest qui l’a prise en amitié. Vers le milieu du jour, mon chien revient seul au logis. Craignant un accident, je le suis. À deux milles, je trouve Jessie, qui m’attend fumant une cigarette, confortablement installée entre les bois immenses d’un cariboo qu’elle a abattu.

— Je ne pouvais traîner cette grosse bête, alors j’ai envoyé le chien.

« Nous allons faire une belle réserve de viande fraîche.  »

Jessie est heureuse, elle rit d’un rire éclatant qui découvre ses dents de jeune louve.