Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/167

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fait un magnifique portrait de cette ravissante prima dona. Nous ne pouvons résister au plaisir d’en mettre un fragment sous les yeux de nos lecteurs :

« J’aperçus une femme. Il me sembla d’abord,
La loge lui formant un cadre de son bord,
Que c’était un tableau de Titien ou Giorgione,
Moins la fumée antique et moins le vernis jaune ;
Car elle se tenait dans l’immobilité,
Regardant devant elle avec simplicité,
La bouche épanouie en un demi-sourire,
Et, comme un livre ouvert, son front se laissant lire ;
Sa coiffure était basse, et ses cheveux moirés
Descendaient vers sa tempe en deux flots séparés.
Ni plumes, ni rubans, ni gaze, ni dentelle ;
Pour parure et bijoux, sa grâce naturelle ;
Pas d’œillade hautaine ou de grand air vainqueur,
Rien que le repos d’âme et la bonté du cœur.
Au bout de quelque temps, la belle créature,
Se lassant d’être ainsi, prit une autre posture.
Le col un peu penché, le menton sur la main,
De façon à montrer son beau profil romain,
Son épaule et son dos, aux tons chauds et vivaces,
Où l’ombre avec le clair flottaient, à larges masses.
Tout perdait son éclat, tout tombait à côté
De cette virginale et sereine beauté.
Mon âme tout entière à cet aspect magique,
Ne se souvenait plus d’écouter la musique,
Tant cette morbidezze et ce laisser aller
Étaient chose charmante et douce à contempler,