Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tant l’œil se reposait avec mélancolie
Sur ce pâle jasmin transplanté d’Italie.
Moins épris des beaux sons qu’épris des beaux contours,
Même au parlar spiegar, je regardais toujours ;
J’admirais, à part moi, la gracieuse ligne
D’un col se repliant comme le col d’un cygne,
L’ovale de la tête et la forme du front,
La main pure et correcte avec le beau bras rond ;
Et je compris pourquoi, s’exilant de la France,
Ingres fit si lontemps ses amours de Florence.
Jusqu’à ce jour, j’avais en vain cherché le beau ;
Ces formes sans puissance et cette fade peau
Sous laquelle le sang ne court que par la fièvre,
Et que jamais soleil ne mordit de sa lèvre,
Ce dessin lâche et mou, ce coloris blafard
M’avaient fait blasphémer la sainteté de l’art.
J’avais dit : L’art est faux, les rois de la peinture
D’un habit idéal revêtent la nature.
Ces tons harmonieux, ces beaux linéamens,
N’ont jamais existé qu’aux cerveaux des amans ;
J’avais dit, n’ayant vu que la laideur française
Raphaël a menti, comme Paul Véronèse !
Vous n’avez pas menti, non, maîtres ; voilà bien
Le marbre grec doré par l’ambre italien,
L’œil de flamme, le teint passionnément pâle,
Blond comme le soleil, sous son voile de hâle,
Dans la mate blancheur, les sourcils noirs marqués,
Le nez sévère et droit, la bouche aux coins arqués,
Les ailes de cheveux s’abattant sur les tempes,
Et tous les nobles traits de vos saintes estampes ;