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MIRABEAU.

coupables. Mais des esprits clairvoyants ont pu s’y tromper. Au lendemain de ces journées tragiques, le duc d’Orléans partait pour l’Angleterre, chargé par le Roi d’une mission diplomatique — qu’il n’avait pas sollicitée. Quant à Mirabeau, après une procédure qu’on fît traîner toute une année, et qui fournit moins de preuves que de témoins, il plaida sa cause à la tribune, et l’Assemblée, qui avait alors d’autres soucis, laissa tomber des poursuites inutiles. Mallet-Dupan, après une enquête laborieuse, déclare que « Mirabeau n’a participé ni à la méditation ni à l’exécution de ces crimes ». C’est le témoignage d’un ennemi ; le plus sage est de s’y tenir.

Aussi bien, pendant les trois mois qui venaient de s’écouler, le député d’Aix avait ameuté contre lui des inimitiés redoutables. Son activité bruyante, son humeur altière, le sans-gène tranchant avec lequel il s’imposait à l’Assemblée, c’était plus qu’il n’en fallait pour le rendre insupportable aux moins patients de ses collègues. Pour beaucoup d’autres, l’envie seule y devait suffire ; ceux-là subissaient avec dépit cet ascendant dédaigneux dont, chaque jour, ils sentaient croître la puissance.

Jamais il ne s’était vu dans aucun pays, jamais il ne s’est retrouvé nulle part, depuis cette époque, une réunion d’hommes plus éclairés, plus honnêtes, animés d’un patriotisme plus pur et d’un désir plus ardent de bien faire. La France avait donné vraiment le meilleur d’elle-même ! Mais, parmi tant de bons citoyens, Mirabeau était le