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MIRABEAU.

Le 14, la Bastille tombait au pouvoir du peuple ; et, le soir, trois têtes sanglantes, plantées sur des piques, étaient promenées en triomphe dans les carrefours.

Le 22, Foulon et Bertliier étaient assassinés ; huit jours plus tard, le maire de Saint-Denis ; et, dans les provinces, beaucoup d’autres.

Enfin, le 5 octobre, après trois mois d’émeutes meurtrières, au milieu d’une agitation immense qu’entretenaient la terreur de la disette et l’attente d’un coup d’État, la lie des faubourgs de Paris, soulevée par une poussée furieuse, débordait sur Versailles, venait battre les grilles du château, et ne tardait pas à l’envahir ; quinze gardes du corps étaient massacrés lâchement ; et le lendemain, après une odieuse parade où la majesté royale était avilie pour toujours, les vainqueurs emmenaient avec eux leurs otages. Prisonniers l’un et l’autre, le Roi et l’Assemblée quittaient Versailles, escortés par cette vile multitude dont le courage inutile de la Fayette n'avait pas su empêcher les forfaits, et dont la garde nationale de Paris formait, tambour battant, l’avant-garde ridicule.

En trois mois, la Révolution avait fait ces deux grands pas : le 23 juin, le pouvoir était passé des mains du Roi dans celles de l’Assemblée ; le 6 octobre, le peuple seul en était le maître.

Parmi les meneurs de la sédition, à l’instant même, la rumeur publique nomma deux hommes : le duc d’Orléans et Mirabeau. Ni l’un ni l’autre n’étaient