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MIRABEAU.

qu’ils y regardent de près ! C’est, je crois, la plus forte école oratoire et politique à laquelle ils se puissent instruire.

Veut-on connaître comment, dans une monarchie constituée, les pouvoirs publics doivent se balancer, se faire contrepoids et se tenir en équilibre ? Qu’on lise le discours sur la sanction royale, sur ce veto fameux dans lequel la stupidité populaire croyait voir un être vivant, je ne sais quel fonctionnaire monstrueux de la cour ; ce veto dont les mensonges de la presse avaient fait l’épouvantail grotesque et le mannequin sanglant du despotisme. Je ne sache pas que, nulle part, la théorie du gouvernement représentatif dans un pays libre ait été plus clairement exposée ; je ne crois pas que jamais on ait mesuré d’une main plus sûre les garanties mutuelles que se doivent le pouvoir et la liberté.

Des citations écourtées ne donneraient aucune idée de cette discussion puissante. Mais Mirabeau l’avait résumée d’avance, lorsque, dans une des premières séances de l’Assemblée, couvrant généreusement M. Necker contre les outrages de ses ennemis, il leur jetait cette apostrophe : « Et moi, je crois le veto du Roi tellement nécessaire que j’aimerais mieux vivre à Constantinople qu’en France s’il ne l’avait pas. Oui, je le déclare, je ne connaîtrais rien de plus terrible que l’aristocratie souveraine de six cents personnes qui, demain, pourraient se rendre inamovibles, après-demain héréditaires, et finiraient, comme toutes les aristocraties du monde, par tout envahir. »