Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE V

Mais qu’est-ce que des discours lus ainsi à distance et à loisir ? À peine la moitié de l’éloquence. Ce qui manque à ces pages immobiles, c’est un souffle vivant qui les soulève ; qui anime les mots muets et les fasse parler. Ce qu’il faudrait avoir devant les yeux, ce n’est pas le discours, mais l’orateur, la tribune et le public : c’est-à-dire le comédien, la scène et le théâtre. Il faudrait voir l’homme, suivre le labeur précipité de sa pensée, entendre sa voix, saisir son geste, son regard, le frémissement de ses lèvres ; écouter les murmures qui l’interrompent ; compter les mains qui l’applaudissent et les bras qui le menacent ; se mêler à la foule où, choristes et coryphées, s’agitent les comparses tumultueux de ce grand spectacle.

Ici, l’homme est de stature ordinaire, épais, massif, large d’épaules, bien d’aplomb sur des jambes solides ; tout en force. La face est énorme, laide,