Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/227

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Se rend lui-même misérable,
En travaillant pour être heureux.

Dans des illusions flatteuses
U consume ses plus beaux ans ;
A des espérances douteuses
Il immole des biens présents.

Insensés ! votre âme se livre
A de tumultueux projets ;
Vous mourrez, sans avoir jamais
Pu trouver le moment de vivre.

De l’erreur qui vous a séduits
Je ne prétends pas me repaître ;
Ma vie est l’instant où je suis,
Et non l’instant où je dois être.

Je songe aux jours que j’ai passés,
Sans les regretter, ni m’en plaindre:
Je vois ceux qui me sont laissés,
Sans les desirer, ni les craindre.

Ne laissons point évanouir
Des biens mis en notre puissance ;
Et que l’attente d’en jouir
N’étouffe point leur jouissance.

Le moment passé n’est plus rien;
L’avenir peut ne jamais être :
Le présent est l’unique bien
Dont l’homme soit vraiment le maître.