Page:Rousseau - Œuvres de J B Rousseau, nouvelle édition, Tome I, 1820.djvu/425

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Ce héros malheureux exprimoit en ces mots
Sa honte et sa douleur extrême,
Quand tout à coup, du fond des flots, [1]
Protée apparoissant lui-même :
Que fais-tu, lui dit-il, foible et timide amant ?
Pourquoi troubler les airs de plaintes éternelles ?
Est-ce d’aujourd’hui que les belles
Ont recours au déguisement ?
Répare ton erreur. La nymphe qui te charme
Va rentrer dans le sein des mers ;
Attends-lasur ces bords ; mais que rien ne t’alarme,
Et songe que tu dois Achille à l’univers.[2]

Le guerrier qui délibère
Fait mal sa cour au dieu Mars :

  1. Quand tout à coup, du fond des flots, etc.,
    Donec Carpathius, medio de gurgite, vates :
    Æacide, dixit, etc.
    ( Ovide, v. 249 et suiv.)
    Fils d’AEacus, espère : un heureux hyménée
    Au destin de Thétis joindra ta destinée.
    Attends-la dans son antre ; et quand tu la verras
    Céder au doux sommeil, serre-la dans tes bras.
    Ne crains rien : retiens-la sous sa forme changeante ;
    Et force ta captive à te rendre une amante.
  2. Et songe que tu dois Achille à l’univers. C’est encore à Ovide
    que Rousseau est redevable de ce beau vers ;
    Confessam amplectitur heros ;
    Et potitur votis ; ingentique implet Achille.


    Le héros a vaincu sa pudeur inutile ;
    Et déjà l’univers attend le grand Achille.