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LETTRES

beau morceau de poésie dramatique qui soit peut-être dans notre langue. C’est un prodige de voir une pièce, plus ancienne que le Cid, conduite avec autant de régularité qu’une pièce de Racine. Pas une scène qui ne soit placée où elle doit être, pas un personnage inutile : unité parfaite dans l’action, vérité dans les caractères ; intérêt, sentiments, passions, et enfin tout ce qui peut exciter, remuer et entraîner l’âme au plus haut degré de force où vous l’ayez jamais vue[1]. Je vous en demande le secret ; mais je la veux faire imprimer, et ensuite représenter ici l’année prochaine, pour faire voir que quand on a en main des ouvrages traités comme celui-là, et qu’il ne s’agit que d’en raccommoder ce que le temps a fait vieillir, ou qu’une délicatesse un peu scrupuleuse a pu rendre choquant, c’est une témérité de vouloir prétendre à en abolir la mémoire, en leur substituant d’autres ouvrages sur le même sujet, quand on n’a pas la force de faire mieux.

Je vous ai déjà dit ma pensée des Dissertations et de l’Œdipe de La Motte. Je vous dispense de m’envoyer le reste ; car j’ai vu l’ode de La Faye dans un journal de Hollande qui m’est

  1. Voyez ce que nous avons dit, à ce sujet, tome IV, dans les notes sur la Préface de Mariamne.