Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/101

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hale une peste continuelle qui mine et détruit la nation.

Cependant il faut au gouvernement un centre, un point de réunion auquel tout se rapporte : il y aurait trop d’inconvénient à rendre errante l’administration suprême. Pour la faire circuler de province en province, il faudrait diviser l’île en plusieurs petits États confédérés, dont chacun aurait à son tour la présidence ; mais ce système compliquerait le jeu de la machine, les pièces en seraient moins liées.

L’île n’étant pas assez grande pour rendre cette division nécessaire, l’est trop pour pouvoir se passer d’une capitale ; mais il faut que cette capitale forme la correspondance de toutes les jurisdictions, sans en attirer les peuples, que tout y communique, et que chaque chose reste à sa place. En un mot, il faut que le siège du gouvernement suprême soit moins une capitale qu’un chef-lieu.

La seule nécessité a là-dessus dirigé le choix de la nation comme eût fait la raison même. Les Génois, restés maîtres des places maritimes, ne vous ont laissé que la ville de Corte, non moins heureusement située pour l’administration corse que l’était Bastia pour l’administration génoise. Cette place, au milieu de l’île, voit tous ses rivages presque à égales distances. Elle est précisément entre les deux grandes parties di quà et di là da monti, également à portée de tout. Elle est loin de la mer, ce qui conservera plus longtemps à ses habitants leurs mœurs, leur simplicité, leur droiture, leur caractère national, que si elle était sujette à l’influence des étrangers. Elle est dans la partie la plus élevée de l’île, dans un air très-sain, mais dans un sol peu fertile, et presque à la source des rivières, ce qui, rendant l’abord des denrées plus difficiles, ne lui permet point de trop s’agrandir ; que si l’on ajoute à tout cela la