Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/165

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ET LE BONHEUR. i59

du raisonnement, les célestes intelligences ; enfin de pou- voir, à force de combattre et de vaincre nos passions, dominer Thomme et imiter la Divinité même. Ainsi ce commerce continuel d’échanges, de soins, de secours et d’instructions nous soutient quand nous ne pouvons plus nous soutenir nous-mêmes, nous éclaire quand nous avons besoin d’être éclairés, et met en notre pouvoir des biens d’un prix inestimable, qui nous font mépriser ceux que nous n’avons plus. Voilà les vrais dédommagements qui consolent un honnête homme, au sein du malheur, des pertes de la nature et des abus de la société. L’antique vigueur de ses membres passe dans ses facultés, sa raison croît sur les ruines d’un corps débile ; si Ton donne des entraves à sa liberté son cœur acquiert un nouvel empire ; il obéit à la voix du plus fort, mais il commande à ses pas- sions, et tandis qu’on l’opprime ici- bas, son âme pure s’élance dans le séjour céleàte et jouit d’avance du prix de sa vertu. C’est Hercule qui se sent à la fois brûler sur son bûcher et devenir Dieu.

Ainsi le bien et le mal coulent de la même source ; mais la mesure n’est pas égale pour tous. Le sage, tourmenté par les méchants, sent pourtant qu’il ne serait qu’une brute s’il n’avait rien reçu d’autrui, et il y a bien peu de maux qui puissent balancer chez un homme de courage les dons de l’âme et l’espoir des biens à venir. •

Voulons-nous maintenant rechercher ce qui peut nous rendre heureux en ce monde ? Rentrcms en nous-mêmes^ et consultons notre cœur. Chacun sentira que son bcmheur n’est point en lui mais dépend de tout ce qui l’environne* Le luxe qui met à contribution toute la nature» l’ambition qui veut enchaîner l’univers, la volupté qui n*est rien