Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/169

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ET LE BONUEIR. 145

autres, mais nous-mêmes ; elle ne porte point des paroles & la bouche, mais des sentiments au cœur. En s’y livrant, on donne plus de confiance à la voix de la nature qu*à celle de la raison, et sans parler de la sagesse et du bonheur avec tant d’emphase, on devient sage au dedans et heu* reux pour soi. Telle est la philosophie dont je cherche à vous instruire : c’est dans le silence de votre cabinet que je veux c5&nverser avec vous. Pourvu que vous sentiez que j’ai raison, je ne me soucie pas de vous le prouver ; je ne vous apprendrai point à résoudre des objections, mais je tâcherai que vous n’en ayez point à me faire. Je me fie plus à votre bonne foi qu’à mes arguments, et sans m’em- barrasser des règles de l’école, je n’appellerai que votre cœur seul au tén^oignage de tout ce que j’ai à vous dire.

Regardez cet univers, mon aimable amie, jetez les yeux sur ce théâtre d’erreurs et de misères qui nous fait, en le contemplant, déplorer le triste destin de l’homme : nous vivons dans le climat et dans le siècle de la philosophie et de la raison. Les lumières de toutes les sciences semblent se réunir à la fois pour éclairer nos yeux et nous guider dans cet obscur labyrinthe de la vie humaine. Les plus beaux génies de tous les âges réunissent leurs leçons pour nous instruire, d’immenses bibliothèques sont ouvertes au public, des multitudes de collèges et d’universités nous offrent dès l’enfance l’expérience et la méditation de qua- tre mille ans. L’immortalité, la gloire, la richesse, et sou- vent les honneurs, sont le prix des plus dignes dans l’art d’instruire et d’éclairer les hommes. Tout concourt à per- fectionner notre entendement et à prodiguer à chacun de nous tout ce qui peut former et cultiver la raison. En sommes-nous devenus meilleurs ou plus sages, en savons*