Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/200

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174 MORCEAU ALLÉGORIQUE

règle de cette organisation, qui peut l’avoir établie, com- * ment peutrelle être quelque chose par elle-même, ou dans quel archétype peut-elle être conçue existante ?

Si je suppose que tout est Teffet d’un arrangement for- tuit^ que deviendra Tidée d’ordre et le rapport d’intention et de fin, que je remarque dans toutes les parties de l’uni- vers ? J’avoue que dans la multitude de combinaisons pos- sibles, celle qui subsiste ne peut être exclue et qu’elle a dû même trouver sa place dans l’infini des successions: mais ces successions mêmes n’ont pu se faire qu’à l’aide du mouvement, et voilà pour mon esprit une source de nouves^ux embarras.

Je puis concevoir qu’il règne dans l’univers une certaine mesure de mouvement qui, modifiant successivement les corps, soit toujours la même en quantité ; mais je trouve que l’idée du mouvement n’étant qu’une abstraction et ne pou- vant se concevoir hors de la substance mue, il reste tou- jours à chercher quelle force a pu mouvoir la matière, et si la somme du mouvement était susceptible d’augmenta- tion ou de diminution, la difficulté deviendrait encore plus grande.

Me voilà donc réduit à supposer la chose du monde la plus contraire à toutes mes expériences, savoir la nécessité du mouvement dans la matière : car je trouve en toute oc- casion les corps indifférents par eux-mêmes au mouve- ment et au repos et susceptibles également de l’un ou de l’autre selon la force qui les pousse ou qui les retient, tau- dis qu’il m’est impossible de concevoir le mouvement comme une propriété naturelle de la matière, ne fût-ce que faute d’une direction déterminée sans laquelle il n’y a point de mouvement, et qui, si elle existait, entraînerait